Soixante ans du circuit Bugatti – MotoGP, la grande messe du Grand Prix de France
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Soixante ans du circuit Bugatti – MotoGP, la grande messe du Grand Prix de France

Sorti de terre en 1965 et inauguré l’année suivante, le circuit Bugatti est aujourd’hui un rendez-vous incontournable de la moto, en accueillant depuis plus de vingt ans le Grand Prix de France Moto. Une grande histoire revisitée en compagnie de deux de ses acteurs majeurs : Jean-Marc Desnues, vice-président Europe de la Fédération Internationale Motocycliste (FIM), et Claude Michy, promoteur du Grand Prix.

Terre d’accueil du premier Grand Prix de l’ACF (Automobile Club de France) en 1906, la Sarthe et Le Mans ont également fait œuvre pionnière pour les deux roues. En 1912, l’ACF y organise sa première course de motos sur un tracé de 18 kilomètres. Huit ans plus tard, le premier Grand Prix sous l’égide de l’UMF (Union Motocycliste de France) se déroule le 28 août 1920 sur un tracé de 17 kilomètres. Sur le modèle instauré bien plus tard pour le Championnat du monde de Vitesse Moto, prédécesseur de l’actuel MotoGP, il met aux prises des machines de 250, 350 et 500 cc, avec un vainqueur pour chacune de ces catégories.

"Le Mans est une place forte des sports mécaniques où la moto occupe une très grande place au côté des 24 Heures du Mans."
Claude Michy, organisateur du Grand Prix de France MotoGP

En 1959, le Grand Prix de France est intégré au calendrier du Championnat du monde de vitesse, créé en 1949. En 1969, trois ans après son inauguration, le circuit Bugatti l’accueille pour la première fois. Pendant le quart de siècle qui suit, huit autres éditions sont disputées sur le Bugatti (1970, 1976, 1979, 1983, 1985, 1987, 1989 et 1990). Avec un rendez-vous supplémentaire le 8 septembre 1991. Pour des raisons de sécurité, le Grand Prix du Brésil est déplacé sur le Bugatti. « Ce Grand Prix a été monté de toutes pièces en à peine deux mois, se souvient Jean-Marc Desnues, à l’époque directeur de la communication de l’ACO. C’est aussi un souvenir impérissable pour tous ceux qui l’ont vécu. La réactivité de l’ACO et de la Fédération Française Motocycliste pour répondre au pied levé à la demande de la FIM a permis naturellement de resserrer encore les liens, déjà très forts, entre ces trois entités, ce qui a conforté l’image du circuit à l’international en le positionnant comme un outil et un organisateur de référence. » Baptisée Grand Prix moto de vitesse du Mans, cette course s’achève sur un top 5 constitué des cadors de l’époque : Kevin Schwantz, Mick Doohan, Wayne Rainey, John Kocinski et Wayne Gardner.

En 1994 et 1995, le Grand Prix de France fait son retour sur le circuit Bugatti, organisé pour la première fois par la structure PHA de Claude Michy, toujours à l’œuvre aujourd’hui. Après quatre éditions sur le circuit Paul Ricard, il s’installe définitivement au Mans en 2000. Selon Claude Michy, « la notion du Mans est très importante, c’est une place forte des sports mécaniques, où la moto a pris une très grande place aux côtés des 24 Heures du Mans. C’est aussi une aventure humaine, qui a commencé pour moi avec Michel Cosson, Jean-Paul Gervais et Jean-Pierre Moreau (respectivement président, directeur général et directeur sports de l’ACO en 1994, NDLR) et a donc connu trois Présidents de l’ACO (Michel Cosson, Jean-Claude Plassart et Pierre Fillon, NDLR). C’est une entente cordiale et une évolution constante entre la Direction de course, l’ACO, la FIM, Dorna Sports (détentrice des droits commerciaux du MotoGP, NDLR), sans oublier des commissaires de piste exceptionnels qui donnent une superbe image du bénévolat ».

"Le Bugatti est réputé comme un circuit de freinages, et très exigeant physiquement."
Jean-Marc Desnues, vice-président Europe de la Fédération Internationale Motocycliste

Claude Michy et Jean-Marc Desnues ne manquent pas de saluer à l’unisson la qualité du circuit et de ses infrastructures. « Le tracé du circuit Bugatti et ses installations correspondent aux standards des circuits homologués pour accueillir des épreuves des Championnat du monde de vitesse / MotoGP et d’Endurance, ajoute Jean-Marc Desnues. Le circuit Bugatti est réputé comme un circuit de freinage, exigeant physiquement (surtout en Endurance), où la vitesse moyenne au tour est moins élevée que sur d’autres circuits plus rapides, bien que la courbe Dunlop s’aborde à plus de 300 km/h, avec un freinage sur l’angle, très difficile. »

A l’orée du XXIe siècle, la catégorie reine de la vitesse moto passe des 500 cc au Moto GP. « Durant de très longues années, le meilleur rendement en termes de puissance pour la compétition moto était délivré par des moteurs deux temps, dans toutes les catégories de Grand Prix, indique Jean-Marc Desnues. Progressivement, l’évolution technologique a permis d’obtenir plus de puissance des moteurs quatre temps et ceux-ci ont supplanté et remplacé les deux temps. En outre, les deux temps s’avéraient plus ‘pointus’ à piloter et présentaient des risques de serrage moteur préjudiciable à la sécurité des pilotes. Les motos actuelles de MotoGP sont des 1000 cc et délivrent environ 300 ch. » En 2002, le premier vainqueur du Grand Prix de France de cette nouvelle ère est Valentino Rossi, sur la route de son deuxième titre mondial en catégorie reine.

Depuis un quart de siècle, cette résidence permanente du Grand Prix de France sur le circuit Bugatti en a fait l’un des rendez-vous les plus populaires du calendrier, au point de s’offrir le record de fréquentation des saisons MotoGP 2023 et 2024. Une popularité qui plus est dopée ces dernières années par Fabio Quartararo et Johann Zarco, respectivement premier tricolore champion du monde (2021) et dernier vainqueur français en date en catégorie reine (Australie 2023).

De plus, selon Jean-Marc Desnues, « cette popularité repose sur trois critères. Le premier vient de la décision de la FIM de signer un accord avec une société chargée de gérer les droits TV de l’ensemble des Grands Prix, au niveau mondial. Incontestablement, cette évolution, révolution pourrait-on dire, a permis d’élargir considérablement l’audience et donc l’intérêt du grand public pour les Grand Prix Motos (comme en F1 ou pour les 24 Heures du Mans). Le second est la longue histoire du Mans avec les Sports mécaniques. De l’organisation du GP de 1906 sur le circuit de la Sarthe, en passant par les premières 24 Heures du Mans en 1923 et la construction du circuit Bugatti en 1966, avec toutes les épreuves associées à ce tracé, le public français a une appétence très marquée pour les compétitions de sports mécaniques. Le troisième critère enfin tient au savoir-faire de l’ACO sur le plan de l’organisation sportive et des équipes de PHA pour ce qui concerne la relation avec les spectateurs, l’accueil du public et la promotion de l’épreuve. PHA a incontestablement innové avec, par exemple, la rencontre des fans avec les pilotes interviewés sur scène. » Outre un « spectacle total », Claude Michy souhaite évoquer les personnes en situation de handicap : « nous leur proposons notamment un accès à la pit lane et aussi à la Fan Zone. Pendant les années 2010, nous avons également organisé des Handiraces, avec 30 pilotes venus de neuf nations, qui ont roulé le même jour et sur la même piste que les MotoGP. Le regard sur les handicapés, c’est aussi une école de la vie. »

Pour l’heure, l’Espagne est le pays le plus victorieux en catégorie reine sur le circuit Bugatti dans le cadre du Grand Prix de France, avec 14 succès partagés entre Jorge Lorenzo (cinq), Marc Marquez (trois), Sete Gibernau (deux), Alex Crivillé, Dani Pedrosa, Maverick Vinales et Jorge Martin (une victoire chacun). Qui montera sur la plus haute marche du podium de l’édition 2025 ? Réponse sous le drapeau à damier le dimanche 11 mai.

PHOTOS - Trois instantanés de l'histoire de la moto au Mans. De haut en bas : l'Espagnol Jorge Martin (n°89), vainqueur sur Ducati de l'édition 2024 du Grand Prix de France MotoGP  ; le discours du secrétaire général de l'ACO Georges Durand lors du Grand Prix de 1920 (D.R. / ARCHIVES ACO) ; l'Italien Giacomo Agostini et son MV Agusta, vainqueurs du premier Grand Prix de France disputé sur le circuit Bugatti en 1969 (D.R. / ARCHIVES ACO), dix ans avant la naissance de son compatriote Valentino Rossi, victorieux en 2002 de la première édition sous l'ère MotoGP.